jeudi 21 avril 2011

Hasta siempre hermanos...

Une fois encore le temps nous rattrape et nous file entre les doigts, insaisissable. Un an et trois mois ont déjà passés depuis nos premiers pas en terre argentine. Notre date de retour pour le vieux continent est proche. L'automne si vite arrivé souffle dans les steppes de Patagonie. Godo et Mouloud s'évertuent à faire pousser leurs poils d'hiver alors que leurs congénères de cette région froide ressemblent déjà à des ours. La gelée nocturne provoque le craquement de l'herbe sous les pas le matin. Les plus hautes cîmes des Andes sont couvertes d'une pellicule blanche rafraîchissante. Les forêts sont teintées de sapins vert bouteille, de bambous jaunis, d'herbe sèchée, traversées par des langues de galets gris où coule une eau pure et transparente. Les lacs emprisonnés au creu des montagnes y sont d'un bleu étourdissant. Par chance, le soleil nous honore toujours de sa présence, réchauffant l'après-midi. Chiens et chevaux lézardent, profitant de ses rayons bienfaisants. L'immense campo de Pichi Leufù attend nos frères. Cette fois-ci nous savons qu'il s'agit d'un aller simple. Nos soixante-dix derniers kilomètres ensembles. Lors de la première étape, nous nous évertuons à traverser la ville de Bariloche, longeant sans répit le grandissime lac Nahuel Huapi sur plus de vingt-cinq kilomètres. Comme son cousin d'Ecosse, la légende veut qu'un monstre sommeille dans ces eaux. Lorsque le vent l'agite, le lac devient parfois noir d'encre aux écumes blanches oppressé par un ciel bas et noir. Le monstre Nahuelito semble alors bel et bien exister. Aujourd'hui, il est resplendissant, arborant fièrement ses îles peuplées de sapins sur son manteau azur. Kata et sa bonne humeur font partis de l'expédition avec Riki, son cheval qu'elle emmène également au campo pour l'hiver. Arrivés à Dina Huapi, les souvenirs ébranlent nos esprits. C'est comme si c'était hier, pourtant bien des choses ont passées. C'est avec une immense joie que nous revoyons Tito et Otto du Club Danes, mais aussi Dario, Baby et leus enfants qui ont tellement grandis ! Nous avons tant de choses à se raconter que nous ne savons même pas par où commencer. Toujours est-il que le plaisir est partagé. Nous laissons les chevaux pour la nuit dans leur finca pour ne repartir que le lendemain à l'assaut des quarante-cinq autres kilomètres. Les pics acérés de la Cordillère font maintenant place aux anciens volcans érodés et aux plateaux parsemés de petites touffes d'herbe jaunes ou épineuses. Couleurs typiques de la Patagonie, steppe aux dimensions ennivrantes où la sensation de liberté vous monte à la tête. Marcher, courir, rire, se taire, écouter, crier. L'excitation monte dans tout le corps. Des bouffées de bonheur, parfois vertigineuses telles que nous avons pu ressentir durant toute cette aventure à silloner les grands espaces. S'y mêle de temps à autre l'envie de pleurer rien que de penser que tout cela va bientôt prendre fin. On voudrait continuer, encore et encore... Au pied du Cerro Sombrero, un troupeau de chevaux en liberté détale à notre approche. De l'autre côté de ce relief se trouve notre but. Le rio Pichi Leufù traverse paresseusement ces terres paradoxalement arides et battues par le vent. La tentation est trop forte, enlevant selle et vêtements, je m'y lance avec Godo et les chiennes, savourant la sensation de nager en leur compagnie. Du bonheur, simple.
Plus nous approchons de la petite maison isolée dans la steppe et plus Godo presse le pas, reconnaissant son campo. Une surprise de taille l'y attend. Clin d'oeil de sa terre natale. Tchu-Tchu Maria est là, liste blanche et balzanes comme lui, sa mère en chair et en os.

Nous revenons les voir avec Kata et Ana deux jours plus tard leur dire adieu. Nous arpentons le champ une heure durant à leur recherche. Soudain de petits points sombres se détachent au loin. Nous les appelons, et qu'elle n'est pas notre reconnaissance envers eux lorsqu'ils arrivent au petit trot. Rustine et Kali courent à leur rencontre. Nous leur devons tout, à Rita, Godofredo, Mouloud et nos deux intrépides chiennes. Eux qui ont été notre famille durant tout ce temps, ils n'ont cessés de nous enseigner, de nous donner leur amour et leur confiance. A jamais ils resteront gravés dans notre coeur.
Au moment de les quitter au milieu des trois milles hectares, notre peine fait place à leur vie paisible retrouvée. En plus d'être entre les mains de personnes de coeur et attentionnées, ils retrouvent une vie de cheval dans ce campo. Que demander de mieux pour nos compagnons à l'instinct grégaire que de les laisser ici, brouttant l'herbe de leur Patagonie originelle en compagnie de leurs semblables.



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