dimanche 19 décembre 2010

Corrientes la tropicale.


Les étendues cultivées font place à la forêt de montiel, épineux autochtone. Le poumon vert est à peu près protégé. Le cardinal à tête rouge y abonde, les colibris font du sur place en bourdonnant, cherchant à butiner quelques fleurs. La chasse y est prohibée, mais le goût pour sa pratique ainsi que l'attrait des argentins pour la viande font qu'on ne peut l'enrayer. Nous avons ainsi l'occasion de voir une dépouille de yacaré overo, une espèce protégée. Ce caïman peut atteindre trois mètres de long et sa queue est, paraît-il, succulente cuisinée en milanese. Le carpincho, plus gros rongeur du monde pouvant aller jusqu'à soixante-cinq kilo, est également très prisé pour sa chair et son cuir.
Le soleil cogne dur, l'eau des gourdes est délicieusement chaude. Une famille accourre à notre rencontre, insistant pour que nous passions la mi-journée chez eux. Silvia 31 ans, Roberto 47 ans et leurs six enfants allant de 16 ans à 5 mois nous invitent à déjeuner, soda frais avec des glaçons ça ne se refuse pas. Roberto est curieux et actif autour des chevaux comme un gosse, il semble passionné par les animaux ce qui ne l'empêche pas d'aimer chasser. Il raconte l'histoire d'un de ses chiens qu'il a du sacrifier pour protéger sa famille. Ce dernier était devenu fou suite à un choc avec une voiture. Une célèbre chanson de folklore conte d'ailleurs une histoire similaire sur un ton triste et prenant. La famille Arragones Gallardo est encore une fois l'exemple de gens humbles qui ont le coeur sur la main. L'honneur de la rencontre est réciproque, nous passons une bonne partie de l'après midi à discuter, le temps nous filant entre les doigts. Il est bon de retenir une parole censée de Roberto. "Je vis avec peu de choses mais je suis heureux comme cela. On peut vivre sans le sous au campo, mais au moins on a la tranquilité et à manger tous les jours grâce au bétail et au jardin. En ville, avec le même portefeuille on mourrait de faim sans compter les ennuis autour."

GARDES EN VUE

Alors que le ciel se fait menaçant, les sergents Paul et Rodriguez en tournée nous invitent à trouver refuge au commissaria. Peu habitués à l'amabilité et au sourire par les uniformes français, il n'est que de bonne surprise. Les chevaux sont lachés dans un prés fréquenté d'une seule vache accidentée dont le propriétaire ne daigne pas se montrer pour une histoire d'assurance. D'innombrables carcasses de voitures attendent qu'on leur rende justice. Paul se met en quatre pour nous cuisiner asado et guiso. La pluie fait rage. "L'herbe est haute, les chevaux ont de quoi se satisfaire, inutile de vous tremper, restez donc." conseille-t-il judicieuse
ment. A table, il nous raconte leurs expéditions et mises en planques pour traquer les voleurs de bétail dans les immensités des estancias. Faits plus que d'actualité en Argentine, il est si facile d'aller se servir dans le champ du voisin pour nourir sa famille.

DE LA VIE SOUS LES PALMIERS


Le rio guayquiraro et ses hautes herbes marquent l'entrée de la région de Corrientes. La nature retrouve ses droits. L'arroyo Barrancas est favorable à un peu de repos dans un lieu idyllique. Les paysages deviennent sérieusement tropicaux. Des palmiers se mêlent aux épineux jusqu'à prendre leur place. Les lagunes sont peuplées d'échassiers, de poules d'eau, de familles de carpinchos se baignant au soleil et de troupes de ñandus détallant sur leurs grandes pattes à l'approche du suspect. Les vautours tournent dans le ciel comme attendant la défaillance d'un des membres de notre tribu. Les mygales nous coupent sereinement la priorité sur la piste. Les moustiques y sont de plus en plus énervés. En faisant attention, tout l'environnement grouille de petites bestioles qui nous sont inconnues. D'étranges bruits fusent de tous les côtés jour et nuit. Qui a parlé du doux silence de la nature ? C'est une véritable cacophonie qui retentit là ! Avec la chaleur humide surviennent à intervalles réguliers des orages plus impressionnants que violents. D'imposants nuages noirs arrivent soudainement, crachant des éclairs qui donnent la chair de poule juste sous nos yeux. Est-ce le mythe des gaulois qui ont peur que le ciel leur tombe sur la tête ? Toujours est-il que nous ne sommes guère rassurés lorsque la tourmente nous passe dessus en grondant de toute sa fureur. Seuls les zébus se moquent de notre poncho, sorte de sac poubelle volant au vent.
Lorsque les nuages se dissipent, l'arc-en-ciel nous conduit jusqu'à son trésor, la famille Vera. Comme beaucoup aux alentours, les baraquements sont faits de murs en torchis et toîts de châume. Le contact est d'abord timide, un peu froid le temps de juger l'étranger, mais bientôt les visages s'illuminent. Chacun nous convie à sa table, les grands-parents puis les parents et les enfants pour partager récits de vie et spécialités locales comme l'oeuf de ñandu brouillé dans la farine et la viande. Le sergent Paul nous avait déjà expliqué l'organisation sociale de cet oiseau. Le mâle s'occupe de construire le nid au sol, puis couve les oeufs qu'y dépose son harem de femelles. L'éducation des oisillons est également à sa charge. Une répartition des tâches qui n'est pas commune dans un pays plutôt machiste que celui-ci. Marcela nous montre ses créations en laine qu'elle tire de leurs élevages de moutons. Après avoir lavé et filé la laine à la main, elle tisse bérets, pulls, couvertures, ponchos, tapis de selle... Nino a érigé un sanctuaire pour le Gauchito Gil. On le retrouve chez chaque habitant, et pour cause, ce saint populaire est originaire de Mercedes à cinquante kilomètres. Une des légendes conte qu'Antonio Gil était un voleur de troupeau d'une grande générosité envers les pauvres. Après avoir déserté la guerre des Trois Alliances, il fut capturé. Il aurait imploré son innocence puis conseillé à son bourreau de prier pour lui car il trouverait son fils malade en rentrant chez lui. De retour à Mercedes, le policier pria pour le Gauchito afin de sauver son fils. Lorsque celui-ci fut guérit, le policier donna une sépulture au Gauchito Gil, qui devint par la suite un sanctuaire aux drapeaux rouges. Claudio et Alejandra nous offrent un de ses bracelets rouges pour nous porter chance.
A peine vingt-cinq kilomètres plus loin, nouvel arrêt forcé par des trombes d'eau sur Perrugoría. Une bande de jeunes émmêchés nous invitent à partager leur Fernet-Coca pour passer la journée.

PECHE, NAGE ET CHEMINONS

En arrivant au Paso Cerrito, le rio Batel se jette dans l'imposant rio Corrientes. D'immenses lagunes sont le sanctuaire des familles du printemps. Tous les animaux se promènent avec leurs petits, copies conformes des parents. Chatons, poulains, poules d'eau rouges ou vertes, cannetons... Les Tero et les chouettes vizcachera ont élus domicile dans des terriers ce qui explique leurs cris tonitruants à l'approche des chiens. Les petits rentrent en vitesse se cacher sous terre. Les fleuves grouillent de pirañas, pacus, dorados, dentudos, amarillos et bien d'autres encore.

Pays des estancias qui détiennent les meilleures terres pouvant compter facilement jusqu'a quinze mille hectares chacune, subsitent au milieu de petites colonies. Chez les Sanchez, Jorges alias Negro fête ses trente-deux ans à grands coups de vin rouge. Les voisins finirons par se faire ramener chez eux par leur cheval qui lui au moins se rappelle de la route. Pour se remettre de ses émotions, Negro nous emmène pêcher le lendemain, et surtout nous montre un passage où les chevaux n'ont pas pieds. Premiers essais de nage équine. Godofredo qui n'a jamais froid aux yeux se jette à l'eau. La sensation de nager avec un animal de cette taille est exaltante. L'appréhension de couler est vite submergée par un envol aquatique d'une rare puissance. Rita d'abord un peu stressée, s'en sortira "comme un dauphin" triomphe Clio au second essai. Le très peu téméraire Mouloud n'a pas su enclencher la brasse. Il se cabre dans l'eau, refusant de ne plus toucher le fond. Nous aurions sûrement dû lui mettre des brassards.

Voyage éclair depuis Chavarría jusqu'au sud de la Patagonie avec les récits de voyage de Miguel Percara et sa femme autour d'un copieux apéritif dans leur précieuse demeure. Place aux étendues désertiques rocailleuses battues par le vent, aux colonies de pinguoins, de goëlands, de lions de mer et de baleines. La langue de glace du glacier Perito Moreno se brise dans un bruit sourd pour se jeter dans le Lac Argentino sous les yeux des hordes de touristes.
De leur côté Kika, Carlos et leurs enfants Juan et Fernando ont déjà programmé notre prochaine étape à trente kilomètres du village. Kika et Juan joueront même à l'assistance technique en venant nous amener de l'eau fraîche et des friandises lors de notre pause de midi. Rendez-vous à La Raquel, leur campo de Tacuaritas où Carlos prépare un succulent asado et entreprend par la même occasion de nous apprendre le Guarani, langue des indiens du même nom, originaires de la région. A Corrientes, elle est encore beaucoup pratiquée par ceux qui ont du sang indien comme les gauchos. Carlos ne cesse de nous faire rire, articulant du plus qu'il peut, faisant de grands gestes pour se faire comprendre. Le jour suivant nous accordons du repos à nos équipiers et sellons les chevaux du campo pour aller faire le tour de la propriété avec Juan et Fernando. Au milieu des vaches, buffles, chevaux, ñandus, l'amitié se créée. Nous nous quittons savourant cette belle journée sur un délicieux tereré*.

L'EAU QUI BRILLE

Nous voici à présent dans l'estuaire d'Ibera** où règne une grande polémique***. Un certain Douglas Tompkins, multimillionnaire et écologiste nord-américain, créateur des marques Esprit et The North Face, est aujourd'hui l'heureux propriétaire de quelques 180 000 hectares de l'estuaire. Sous couvert de l'association The Conservation Land Trust, il a déjà acquérit 300 000 hectares en Patagonie Chilienne ainsi que 62 000 hectares dans la province de Santa Cruz. Le dessein de cette association est d'acheter des terres pour les préserver, quelques fragments sont parfois offerts aux Parcs Nationaux. L'estuaire d'Ibera est déclaré Réserve Naturelle et compte 1 450 000 hectares. Sur toute cette superficie, pas moins de soixante pour cent des terres sont privatisées par de riches estancieros. La discorde part notamment des habitations de Yahaveré qui se trouvent sur la propriété de Tompkins. En Argentine, si une personne vit plus de vingts ans sur des terres, il peut alors prétendre à leur propriété sans avoir à les acheter. Les arrangements nous sont inconnus, toujours est-il que fusent histoires et racontards. Volonté d'un riche écologiste qui n'est sûrement pas sans conséquences sur la vie des populations occupantes et sur la jalousie de quelque-uns. D'un autre côté au vu de la politique terrienne du gouvernement qui vend les terres au plus offrand et que l'on constate les ravages des exploitations agricoles, on peut aussi penser qu'une des plus grandes réserves d'eau potable du monde, sa faune et sa flore sont ainsi protégée pour un temps encore. En dehors de ces faits, certains vont même jusqu'à nous raconter qu'il souhaite vendre de l'eau de l'estuaire en bouteille pour l'exportation, ou encore qu'il a dans l'idée de créer un second état d'Israël. On est en droit de constater que la désinformation est bien là.

TEMPS D'ORAGE

20 000 hectares de l'estuaire sont également consacrés à l'exploitation de bois. Des plantations de pins et d'eucalyptus bordent la piste. C'est la tente mal arrimée dans le sable que nous nous faisons surprendre par un nouvel orage. Elle fait des galipettes au vent que nous ne l'avons encore jamais vu faire. Le soleil rougeoyant du couchant passe sous le plafond noir d'encre. Il semble déteindre sur les troncs d'arbres, les peignant d'orange, faisant ressortir le vert foncé des pins et le fluo de l'herbe. Les éclairs mystifient l'atmosphère.
Chez Juan-Simon et Ramona, La tempête nous poursuit, le ciel s'illumine de toutes part entre les masses nébuleuses, digne de l'Histoire sans fin. Falcor le dragon-chien ne devrait plus tarder. Par deux fois, la foudre tombe juste à côté de la maison. Juan-Simon fait alors brûler de la laine de mouton afin d'éloigner le tonnerre. "Un remède antique." nous explique-t-il dans une fumée nauséabonde. Une troupe d'une cinquantaine de chevaux, petits et la peau sur les os rend la vision apocalyptique. Nous en verrons beaucoup d'autres dans la région. Ils sont non seulement parasités, mais aussi atteinds d'anémie. Cette maladie transmise par le sang détruit toutes les défences immunitaires. Notamment véhiculée par les taons, elle fait rage en pays tropicaux.

RENCONTRE DU TROISIÈME TYPE

L'orage a bien rafraîchit l'atmosphère, nous nous remettons en chemin sous le soleil pour Conception et Mburucuya à la recherche de fers pour Rita. Chose peu évidente dans une région sabloneuse où personne ne les utilisent. Les baraques de fortune sont construites avec les chutes de bois des exploitations alentours. Beaucoup de gens marchent pieds nus, la corne suffisemment développée pour ne pas sentir tous les piquants de la végétation.
Un type arrive au loin, sac sur le dos. Une fois à notre hauteur, nous échangeons quelques mots. Un accent certain trahit son origine. "Mais tu es français non ?" Et à lui de balbutier de surprise. A vingt ans, Thomas c'est mis en tête de travailler et de voyager en alternance. Voici un mois et demi qu'il est arrivé en Argentine. Comme l'auto-stop ne marche pas, il a préféré prendre ses semelles pour rejoindre le Parc National de Mburucuya. Demi-tour finalement vers la ville pour aller fêter cette impensable rencontre. Avant cela, nous devons faire des pieds et des mains pour trouver un pré pour les chevaux. A la nuit tombée, Laurena et Gaby viennent à notre rescousse nous proposer un endroit de rêve. Elle travaille au Parc et lui se réoriente en préparant un diplome de guide touristique après que sa boite ait coulée. Passionné par les chevaux, il part randonner tous les ans jusqu'à Itati à cent vingt kilomètres pour aller visiter la vierge. Ce sont quelques mille cinq cents cavaliers qui y partent en pèlerinage pour le treize juillet. Il nous permet de rester ici le temps souhaité et nous accordons une semaine de repos à la caravane. Nous prenons alors véritablement conscience de la faune singulière qui nous entoure. Lors d'une partie de pêche avec Thomas, nous ne pouvons sortir que des pirañas pleins d'arrêtes, gare aux doigts en enlevant l'hameçon. Des yacarés nagent dans le bassin voisin. Des singes hurleurs sautent de branche en branche au dessus de nos têtes dans un concerto de cris primitifs. Une yararà, ou vipère de la croix se balade même sur la place du centre ville. Un homme la tuera d'un bâton pour le danger qu'elle représente. Les papillons sont tous plus grands et colorés les uns que les autres. D'énormes crapeaux plus imposant qu'un chaton gobent les moustiques jusque dans les maisons. Les marécages résonnent de déconcertants miaulements, des grenouilles bien dissimulées y seraient à l'origine. Et le scorpion se blottit sous la peau de bête de notre selle...
Chacun reprend bientôt sa route, le père Noêl et le père Fouettard doivent nous attendrent pour faire la fête à Corrientes, assis tranquillement sur leurs chaises longues en sirotant un tereré à l'ombre des palmier.




*boisson rafraîchissante d'herbe maté infusée dans du jus de fruit et des glaçons.
**en langue guarani : I = eau ; Bera = qui brille
***liens vers la polémique :
- http://www.cadenaazulyblanca.com/index.php?option=com_content&view=article&id=16603:ibera-acusan-a-tompkins-de-ocultar-terraplenes&catid=40:interior&Itemid=53

- http://www.mimercedes.com.ar/masnotas.php?ampliar=967

- http://www.rodolfowalsh.org/spip.php?breve1353

- http://www.theconservationlandtrust.org/esp/noticias/faq.htm

jeudi 25 novembre 2010

Du rodéo et des copains.


Nelson Lezcano, alias Teke, nous ouvre grand les portes du centre traditionaliste El Crispin Velazquez. un personnage garde les lieux. Maximo Noguera, gaucho retraité à l'allure rustique abrite une gentillesse inégalable. nous partageons de nombreux repas au cours desquels il nous faut tendre l'oreille pour décrypter son dialecte et ses récitations de folklore. Ses grommellements sont ponctués de petits rires dans sa moustache. Lui non plus ne comprend rien à ce que nous baragouinons, alors il hoche la tête avec un "mmh mmh" qui veut tout dire. Il fut un temps ou jamais nous n'aurions pensé franchir cette nouvelle barrière de langue. Teke, le présisdent de l'association est un passionné de jineteada*, et sous ses airs de bureaucrate il est intimement lié à la vie de campo. C'est une surprise de taille lorsqu'il nous annonce qu'il avait pensé nous offrir un cheval pour compléter la caravane. Pensants d'abord à une blague, il affirme pourtant être sérieux. Offre dépassant la simple générosité que nous nous devons de décliner pour de multiples raisons. Elle restera cependant gravé dans nos esprits.
Au moment de partir, les deux compères nous invitent à rester jusqu'à la grande jineteada qui a lieu dans une dizaine de jours. Un coup d'oeil à la carte et nous leur promettons de revenir assister à cette tradition qui leur est si chère. Le délai nous laisse le temps d'une excursion jusqu'au parc national El Palmar.

UN TOUR DE PALMIER

Sur le chemin, de nouvelles activités agricoles apparaissent. D'immenses poulailliers répandent leurs odeurs de plumes et de fientes aux alentours. Des tracteurs nivellent des champs de riz que viendront innonder de puissantes et bruyantes pompes à eau. Quelques étendues de soja désherbées finissent de rendre l'aspect de désolation que nous croyions propre à la province de Santa-Fe.
A Villa Clara, ce sont la famille de Colacho ou encore Stella, Tito, leur fille Johana et leurs voisins qui nous honorent par de multiples attentions. Stella passionnées par les oiseaux en détient une impressionante collection en cages. Une petite carpincho apprivoisée fait aussi partie de la maisonnée. Deux gauchos nous ferons une belle démonstration de lasso bien rock n' roll. Une vache leur montrera qu'elle a plus d'un tour dans son sac et fera une patte d'honneur à l'abattoir, arrachant cordes et clotûres.
San Ernesto est une petite colonie d'origine russo-allemande fondée par l'arrière grand père de Manuel Hill. A quatre-vingt deux ans, Manuel monte encore à cheval pour faire le tour de ses champs et y arracher les mauvaises herbes du haut de sa selle, binette en main. Dingue des chevaux, il a su constituer un sublime troupeau de robes pies dont certains semi-sauvages, crinières longues et emmêlées. Manuel, sa fille Martha, Tatino et leur fils Maximiliano nous convient à leur table pour un repas de roi, insistants pour que nous repassions les voir au retour. Ce sera chose faite et l'accueil est toujours aussi chaleureux. Vingt-cinq kilomètres plus loin, c'est au tour de Miguel d'accueillir dignement notre tribu. Silvio, un de ses amis qui s'occupe de chevaux de course vient prodiguer quelques judicieux conseils lors du ferrage de Rita.
Sur un coup de téléphone c'est le branle-bas de combat. Tout le monde en route, vite ! Yoann et Marilyn sont arrivés au Palmar à bord de leur Dodge aménagé, bière sous le coude pour fêter les retrouvailles. Huit mois sans voir les amis c'est long. Autant dire que le plaisir est immense de se rencontrer au bord du somptueux rio Uruguay, parmis les vizcachas qui sautent de joie en renversant les tant convoitées poubelles du camping. En plus de ces drôles de rongeurs, le parc abrite paisibles carpinchos, iguanes aux allures du jurassic, couleuvres vertes, chevreuils, ratons laveurs, nandus, piranhas...

TEMPS DE FÊTE

De retour à Villaguay, la tribu française s'agrandie. Julien arrive en camion de Bariloche où il a travaillé en saison d'hiver après avoir baroudé vers le Brésil, la Bolivie et le Pérou. Deux nouveaux arrivants sur le continent se greffent à son équipage : Etienne dit Piou-Piou et Bat le chauve qui sourit. Les rives du rio Villaguay se prêtent alors aux barbecues, aux balades à cheval qui martyrisent les derrières, et bien sur à la fête. Piou-Piou devient Papa vizcacha avant d'entrer en hibernation, ju la tortue tordue et Yoyo le carpincho (prononcer chocho, à l'argentine). Nous ne demandions pas mieux que du rire en compagnie de telles personnes, interressantes et motivées. Malheureusement ce genre de moment ont toujours un goût de trop peu. Au bout d'une dizaine de jours passés ensembles, chacun reprend sa route vers le brésil, la Bolivie ou autres destinations non programmées et à durées indéterminées.


Il ETAIT UNE FOIS LA JINETEADA

Les chevaux sont en vacances dans un champs de luxe. Teke les a confié à son troupeau de jineteada à la sortie de la ville pour que nous puissions assister à la fête de la tradition au Crispin. Le premier soir, un défilé digne de ce nom ouvre le bal avec pas moins de quelques cinq cent cavaliers. Pour alimenter un public carnivore, cinq vaches sont sacrifiées pour faire un "asado con cuero" et du "chorizo". Vingt troupes de dix chevaux chacunes sont présentes. Le samedi soir a lieu le rodéo en nocturne dans la catégorie "crines", c'est à dire à cru. Les conccurents se font rapidement éjecter. Le lendemain démarre la catégorie "basto" avec selle et lanière de cuir en guise de frein.
Les animaux sélectionnés sont ceux qui "n'ont pu être débourrés" et qui "restent mauvais" nous conte-t-on dans l'assistance. Chaque cheval est amené pour être attaché à un poteau afin de le préparer. Nombreux sont ceux qui se débattent, sachant pertinament le sort qui leur est réservé. Ils tirent brusquement et de toutes leurs forces sur la corde au risque de se briser la nuque, perdent l'équilibre et tombent lourdement sur le sol. Si ces derniers ont le malheur de rester couchés, ils se trouvent assénés de violents coups de pied et de fouet.
Vient alors le paysan armé de ses bottes en cuir de poulain, de ses féroces éperons et de son rebenque. Il se met en place, la cloche sonne, on largue le cheval et le cavalier cravache de toutes ses forces en lui plantant les talons dans les côtes. Le cheval se débat, se dresse de toute sa hauteur, saute en long et en large, bondissant et ruant jusqu'a ne plus toucher terre, tombant parfois. Le public siffle, acclame. Les chevaux poussent des râles de souffrance. Deux cavaliers viennent secourir le paysan au vol. Lorsqu'ils arrivent trop tard, celui-ci s'écrase contre terre, finissant en ambulance. Ça peut tout aussi bien être le cheval qui ne se relèvera plus jamais. "C'est un sport, nous dit-on dans les tribunes, le paysan risque sa vie pour gagner la prime." Tradition omniprésente dans la culture argentine, largement diffusée à la télévision, elle enchante le milieu équestre y compris ceux qui se disent amoureux des chevaux.


OASIS DE VIE SAUVAGE

Il est temps de fouler à nouveau la terre des chemins. Mouloud semble vivre une histoire d'amour avec Marilyn. Cette dernière nous accompagne une journée chevauchant notre cheval rebel malgré un temps pluvieux. Yo nous rejoint le soir dans une grande estancia où nous avons attendu une heure et demi la permission du patron vivant à Buenos Aires. Ici la plupart des propriétaires de ces riches établissements sont citadins ou étrangers et permettent rarement à qui que ce soit d'entrer sur leurs terres. Nous avions déjà quitté les copains à reculons, mais cette fois nous poursuivons notre migration en compagnie de cette chère "cucaracha**". La tristesse des paysages agricoles nous poursuit, encerclant quelques minuscules domaines aquatiques qui hébergent pour un temps encore, une faune diversifiée. Nous atterrissons au royaume de la loutre et des renardeaux où se mêlent multitude de poissons, lucioles, ipacaàs, chajàs, caranchos. "C'est incoyable toute la vie qu'il y a ici !" pense tout fort Clio, et comme pour appuyer ses dires un crapeau comique saute par dessus son épaule pour atterrir à côté de notre casserole de pâtes. Chaque point d'eau est aussi propice à une baignade des chiennes qui haletent déjà fort à marcher en plein soleil, les épineux en bordure de chemin ne fournissant guère d'ombre. On ne cesse cependant de nous mettre en garde contre l'eau contaminée par les produits de traitements agricoles.
En amont du rio Gualeguay, c'est la première fois depuis le début du voyage que nous trouvons un havre de paix en pleine nature "sauvage". Nous ne pouvons qu'y marquer un arrêt prolongé. Un monde d'insectes tous plus étranges les uns que les autres remplit de chants d'oiseaux. Le rio est tellement poissoneux que malgré nos maigres talents de pêcheurs, nous agrémentons chaque repas de succulents carnassiers grillés au feu de bois.


*rodéo
**cafard

jeudi 28 octobre 2010

Entre-Rios, changement de décors.


Ce n'est pas sans émotions que nous quittons nos amis de San José. Nous faisons le tour des baraques pour saluer tous ceux qui nous ont merveilleusement accueillis ici. Derniers moments ensembles autour d'un repas, d'un maté, d'une bière... Nous sacrons même Raùl notre "grand père argentin".
Sur les chemins en terre, nous renouons avec tous les petits bruits de la nature, le plaisir de voir s'envoler tel oiseau à tête rouge, de regarder les perruches confectionner leurs impressionnants nids e
n jacassant, entendre le croâssement des grenouilles, le chant des grillons, les cris des hérons à la tombée du soir, l'odeur de l'herbe humide en allant se coucher. Tant de petites choses qui s'oublient lors d'une vie sédentaire et qui embellissent une journée. Le temps est pluvieux. Les chevaux patinent deux jours durant mais c'est de bonne guerre. La pluie a donné tout son éclat au printemps. L'herbe est verte et parsemée de petites fleurs. Nous faisons quelques bivouacs dans des maisons abandonnées dont les hautes herbes de la cour ont bien besoin d'être coupées. Nos trois tondeuses à pattes s'en chargent.
Arrivés à Zavalla en banlieue de Rosario, nous nous heurtons au pont Victoria. Impossible et interdit de passer à cheval. Quelques soixante-dix kilomètres pour traverser l'immense rio Paranà. Il faut alors remuer ciel et terre pendant deux jours afin de tr
ouver un van deux places à prix conpétitif pour surmonter cet obstacle routier. Cido et Carreras nous rendent ce service en deux voyages. Clio part devant avec Rita, les chiennes, le matériel et le soin de monter le campement. Pour ma pomme, le trajet avec Godo et Mouloud se fait de nuit. Le fleuve n'est qu'une tâche sombre dans l'obscurité. Je laisse à Clio le soin d'en dévoiler sa beauté :

Après avoir contourné la grande ville de Rosario, ses buildings impeccables mais aussi sa misère, nous entamons l'ascension du pont qui nous mènera à Entre-Rios. Changement de décors, le rio Paranà est large et majestueux. A notre droite Rosario s'éloigne doucement. Dans un bras du fleuve appelé le Vieux Paranà, une bande de jeunes s'y baigne, profitant des premières chaleurs. Nous passons une successions d'îles reliées par de nombreux petits ponts. Sur celles-ci se confondent lagunes et marécages. Mère Nature reprend ses droits, la végétation est riche et d'une palette de verts impressionnante. Des centaines de vaches sont à l'hôtel quatre étoiles, de l'herbe jusqu'au ventre. Quelques troupeaux de chevaux sont aussi maîtres des lieux. De nombreux oiseaux de toutes tailles et d'une multitude de couleurs s'activent à la construction de nids mais aussi à la pêche. Par endroits, les arbres sont si apprêtés qu'ils laissent à peine passer la lumière du soleil, hébergeant sûrement une faune extraordinaire comme le carpincho, le plus gros rongeur du monde. Pas une maison, seulement quelques pêcheurs munis de barques aux couleurs vives, quelques gauchos à cheval veillant sur le bétail. Un régal pour les yeux.

Cela ne fait que deux ans que le pont Victoria est érigé. Autrefois l'accès se faisait par balsa lorsque le rio daignait garder un niveau des eaux correct. ou bien par le tunnel subfluvial de Santa-Fé capitale. La province d'Entre-Rios était malgré elle isolée du reste de l'Argentine, son développement et son économie s'en faisant sentir. L'aisance financière n'est pas la même que dans le centre du pays. Les maisons restent modestes. Au campo les revenus sont limités. A nogoya, les quartiers des banlieues paraissent davantage désorganisés. "Ca sent l'Afrique la-dedans !" commente Clio au vu du fourbis qui règne dans la petite superette. Des meutes de chiens errants nous accueillent par de furieux aboiements, assaillant nos deux aventurières à poils. Kali fait mine de ne pas les voir alors que Rustine se rebelle, montrant les dents en se gonflant du plus qu'elle peut.
Aujourd'hui un second pont relie également Entre-Rios à Buenos Aires. L'agriculture intensive commence à y étendre son venin. Malgré tout ,la région reste bien dans la tradition criolla. A peine avons-nous ouvert un oeil de l'autre côté de la rive que des gauchos à cheval nous saluent, s'arrêtent pour bavarder. Les troupeaux de vaches et de chevaux abondent. C'est sous un soleil de plomb que nous découvrons une région vallonée, verdoyante et boisée. Nous laissons derrière nous la désolation de Santa-Fé.
Les chevaux ont le pas vif et un moral d'enfer. Mouloud hennit même chaque matin près de la tente, semblant pressé de se mettre en route. Ils ont l'air satisfait de cette nouvelle transumance aux généreux pâturages. Les jours s'étendent et nous permettent de faire d'avantage de pauses casse-croûte sur les meilleures touffes d'herbe. Ainsi ils arrivent le soir encore plein d'énergie et le ventre plein. Chez eux (chez nous aussi) c'est l'estomac qui commande ! A part cela, sept mois de vie en commun ont tissés des liens étroits dans notre troupe hétéroclite. Chacun peut compter sur l'autre. Seule Rustine gronde Godo par jalousie ou s'il vient fouiner dans sa gamelle. Ce dernier lui rend bien en lui mettant les oreilles en arrière si elle a le malheur d'être sur son chemin.

AU PAYS DES BESTIOLES

De multiples ruisseaux rendent l'abreuvement facile. Une nouvelle faune apparaît avec eux. Depuis quelques temps des iguanes d'un mètre de long abondent, quelques tortues d'eau montrent le bout de leurs carapaces. Ces reptiles devaient bien finir par en appeler d'autres que nous n'étions pas pressés de voir, les serpents. Tout le monde ne cesse de nous mettre en garde contre la tristement célèbre Yararà, une vipère qui peut atteindre un mètre soixante-dix dont le venin est particulièrement mortel. Dès le premier soir alors que nous avions établit le campement de nuit, un spécimen de soixante-dix centimètres de long s'était lové sous notre seau. Frayeur qui entrainera sa mort par le fil de la machette. Certaines personnes ayant vu "dos bichos raros*" passer sous leurs fenêtres ont eu le tact d'appeler la police. Daniel Barbossa vient donc nous rendre visite. Il nous rassure en analysant le pauvre reptile haché en morceaux et nous annonce qu'il s'agit d'une couleuvre de terre, inoffensive. Il restera bien une heure à papoter, lui qui n'a "rien d'autre à faire qu'à attendre la fin du mois pour toucher sa paye dans ce trou perdu", nous racontant des histoires d'extra-terrestres... Toujours est-il qu'à présent il va nous falloir redoubler de vigilance, autant pour nous que pour les chiennes qui passent leur temps à furetter dans les mauvaises herbes pour débusquer le gibier. Les jours qui suivent, ce sont des dizaines de couleuvres, toutes plus grosses les unes que les autres qui nous passent sous le nez, ou que l'on retrouve écrasées sur la piste. Ce n'est qu'en arrivant à Villaguay que nous voyons notre première Yararà tuée récemment. Un animal à faire froid dans le dos.
D'autres bestioles font rage. Les taons et les moustiques provoquent des oedèmes à Rita et rendent Godo fou, eux que le climat de montagne n'a pas préparé à cet ennemi obstiné. Un mélange de vinaigre et de citronelle semble faire un peu d'effet. Comme si les insectes ne suffisaient pas, Rita en chaleur ne contrôle plus ses pulsions et n'a de cesse de tourner autour de nos deux hongres, les collant au plus près, acceptant leurs morsures en guise de refus.

UN AUTRE RYTHME

Le temps nous l'avions mais il nous manquait. Ici les campos sont peuplés. A présent nous pouvons nous arrêter le midi pour partager quelques rencontres. La famille Affranchino au puesto de Villa Libertad nous réserve un chaleureux accueil, plein d'humour accompagné d'une bière fraiche. Le petit Luisito fasciné par les chevaux nous présente le sien fait d'une peluche et d'un bâton. Entre deux questions, il saute partout pour le faire avancer. Luis, le père de famille, en profite pour nous montrer le mio-mio, plante toxique pour les ruminants propre à la région. Nous apprenons qu'une technique gaucha consiste à la bruler pour en faire renifler la fumée dans le but de dégouter vaches et chevaux non initiés. Nous appliquons cette méthode même si nos équipiers ont l'air de dédaigner cette plante.
Vers Chiquiro, c'est Carlos et sa famille qui nous invitent à leur table pend
ant que les chevaux se reposent dans un pré. Beaucoup de familles restent unies. Ainsi cohabitent grands-parents et petits-enfants. Presque toutes vivent de bétail et du lait qu'elles en tirent. Chez Carlos, ce sont les femmes qui montent à cheval. Esther adore ce style de vie. Sa monture est un magnifique pie, une de nos robes préférées.
Maintes fois nous nous arrêtons pour demander notre chemin ou simplement pour discuter. L'arrêt en vaut toujours la chandelle, ne serait-ce que pour récolter un sourire.
Nous ne sommes pas au bout de nos surprises en ce qui concerne l'hospitalité. Dix kilomètres avant Macia, deux types débarquent d'une voiture, prennent des photos, posent maintes questions, reluquent les chevaux. On se demande bien ce qu'ils peuvent nous vouloir. A notre tour de
questionner. Marcelo et Carlos sont passionnés par l'équitation. Le premier est maître d'école mais a réalisé récemment une cavalcade de sept-cent kilomètres entre Corrientes et Macia. Une sorte de pèlerinage pour y amener leur vierge. Carlos lui, travaillait avec les chevaux de course. La veille nous avions rencontré un groupe de paysans avec qui nous avions lié un bon contact. Ils nous avaient alors généreusement offert vingt kilos d'avoine. Ces mêmes personnes les ont prévenu de notre arrivée. Marcelo est venu à notre recherche pour nous proposer de s'arrêter chez lui. Les chevaux s'y retrouvent dans un grand champ. Nous faisons la connaissance de sa famille, ses amis dont Cuchi qui a participé à la randonnée. Ils organisent un asado "criollo y bien campamiento" sous l'arbre Tala, autochtone d'Entre-Rios. Cuchi ne cessera de conter des histoires gaucha, d'expliquer l'origine des traditions au coin du feu armé de sa barbe fournie et de son chapeau aux larges bords. Autant dire une merveilleuse soirée remplie d'attentions. Macia étant la capitale du miel, nous nous en verrons offrir deux pots. Abel, Viviana, Luz, Marcelo et Adriana nous offrent un livre reconnu comme une référence, "Martin Fierro" de José Hernandez. Cet auteur-poète y consigne toutes les scènes de vie du campo sous forme de vers. Cuchi ne peut s'empêcher de nous mettre en main un petit pécule qu'il est impossible de refuser sans le vexer. "¡ Del corrazon !**" dit-il insistant pour que nous allions au bout de notre aventure. Marcelo met le paquet en faisant venir tous les journalistes locaux pour que nous contions le voyage. Pour leur part, ce qu'il ont retenu de leur expédition à cheval fut le merveilleux acceuil que leur ont réservé toutes les populations rencontrées, la richesse des échanges humains. De tout notre coeur nous ne pouvons que leur souhaiter de vivre d'autres aventures similaires et les remercions pour celle-ci.
Sachant que notre prochain point de chute est Villaguay pour y renouveller nos visas, Marcelo appelle Nelson, le président du centre traditionaliste El Crispin qui nous accueillera bras ouverts. Pour y arriver, nous devons passer par le rio Gualeguay. La saison des pluies n'étant pas encore avancée, le niveau des eaux est bas. Le lit du fleuve apparaître ses plages de sables entourée de roseaux. Mouloud se sentant une âme de sirène se couche en plein milieu du cour d'eau, chargement sur le dos. Il n'en rate pas une. Nous nous accordons un bivouac en ce paisible lieu. Les poissons abondent, sautant hors de l'eau juste à côté de nous. Un pêcheur nous apporte un alléchant Sábalo à déguster grillé au feu de bois. Au lever du jour, quatre gauchos à cheval nous offrent une image d'une grande noblesse. Ils traversent dignement le rio avec un magnifique troupeau de chevaux, jument marraine en tête, les poulains encore tous frêles trottant en queue.



*deux étranges bestioles
**Du fond du coeur !