Un peu plus loi
L'ambiance est bon enfant et divertissante. Yamila n'aura pas pu résister à l'envie de nous faire monter sur l'estrade pour nous présenter. Nous nous lançons alors dans un duel aux "tamboures" avec Rita et Godofredo... pour la postérité.
SAN JOSE, BEAUTE INTERIEURE
La semaine est passée vite, trop vite. Les habitants de San-Jose sont attachants. Alors que nous avons élu domicile à la salle des fêtes communale, nous n'aurons de cesse d'avoir des visites de curieux de tous âges et de tous milieux après notre interview pour la télévision locale. Peaux tannées, piercings et dreadlocks ne passent pas inaperçus en ville...
Le vendredi, c'est le jour des peñas. Les hommes se réunissent entre eux toutes les semaines. Jorges Passelli,
le président du centre traditionaliste nous invite à déguster un porcelet avec ses amis. Profusion de viande et de vin sur une immense table dressée dans son atelier de mécanique, entre tracteurs et clés à molette. Clio, comme à la fête criolla, est la seule femme à s'immiscer dans ce monde d'hommes. Jorges en profite pour nous dévoiler sa collection de canaries, de perdries du monde entier ainsi que ses faisans aux plumes et aux couleurs spectaculaires.
Chacun cherchant à comparer, les questions fusent sur notre mode de vie et celui des français. Toujours est-il qu'à l'atelier on paye au travail effectué et non à l'heure, car vu le nombre de matés que boivent les argentins, la note serait salée.
Le plus difficile sera de quitter nos nouveaux amis. Une bande de joyeux lurons
entre vingt-cinq et trente ans. Marcelo alias Pacha assiste son père dans sa concession de machines agricoles. Sa copine Yamila termine ses études de communication à Rosario. Grâce aux économies de cinq ans de travail à Mexico, Juan-Pablo et Natalia ont pu ouvrir un négoce de pièces détachées automobiles. Alejandro lui a tellement de bagoût qu'il n'est guère étonnant de le voir faire le commerce de chevaux de polo entre l'Argentine, l'Europe et même la Chine. Francisco désirait nous montrer comment travaille sa famille "typiquement argentine" se plaît-il à dire. Ils gagnent leur vie d'élevage de bétail et de production de céréales. Malheureusement une
migraine sournoise l'a empêché de tenir sa promesse un lendemain de cuite. Une même passion lie les garçons : le cheval. Ils se retrouvent autour du pato, polo, courses de tamboures, défilés... et bien sûr pour faire la fête. Le délire est au rendez-vous. Rires, bières, asados et même discothèque. Une vague de jeunesse qui nous ressource.
Sur le point de partir, Clio se coince le doigt dans la longe alors que Rita s'agite. C'est les yeux mouillés de douleur mais aussi par le cafard qu'elle quitte San-Jose de la Esquina à reculons.
Sur le point de partir, Clio se coince le doigt dans la longe alors que Rita s'agite. C'est les yeux mouillés de douleur mais aussi par le cafard qu'elle quitte San-Jose de la Esquina à reculons.
EL TROPERO
Jorges a prévenu le président du centre traditionaliste de la prochaine ville de notre arrivée. Partant à midi, cela relève du défi d'abattre la quarantaine de kilomètres qui nous sépare d'Amstrong. Nous arrivons pourtant avant la nuit pour traverser le pont surplombant l'autoroute. Epreuve stressante mais achevée sans difficulté. Le secret : monopoliser la chaussée pour faire ralentir les plus pressés.
Jorges a prévenu le président du centre traditionaliste de la prochaine ville de notre arrivée. Partant à midi, cela relève du défi d'abattre la quarantaine de kilomètres qui nous sépare d'Amstrong. Nous arrivons pourtant avant la nuit pour traverser le pont surplombant l'autoroute. Epreuve stressante mais achevée sans difficulté. Le secret : monopoliser la chaussée pour faire ralentir les plus pressés.
Beto vient à notre rencontre pour nous conduire au Tropero. Le centre possède de belles infrastructures. En plus d'organiser fêtes et défilés, ils exercent l'équinothérapie. Cela consiste à la rééducation d'enfants handicapés ou en difficulté par le biais de l'équitation. "La province nous verse quelques aides, mais le plus gros du financement est de notre poche." Explique Sergio qui accueille nos chevaux. " Cette activité n'a pas encore de valeur aux yeux du gouvernement." Déplore t-il.
Exténués, nous allons nous coucher impressionés et admiratifs de cet accueil bien criollo.
Touchante attention, au petit matin Beto, Gato, Franco, Fernando... tous passent nous voir apportant le petit déjeuner et provisions pour le voyage. A croire qu'ils veulent nous engraisser. Trainants à discuter et alpagués par la télévision locale, nous ne réussissons toujours pas à partir tôt.
La sécheresse a laissé les pistes dures comme du béton. Les easy-boots nous créées des problèmes, entre autres blessent les glômes. Il va nous falloir abandonner ce système et refferrer les chevaux. Perdant du temps, fatigués, énervés, l'endroit rêvé nous tend les bras. Un champs d'herbe verte traversé par un ruisseau dont la clôture est à terre. Voici une éternité que nous n'avons pas planté la tente. Nous aprécions la
tranquilité de la nature, le chant des grillons, le cliquetement des grenouilles et les piqûres des moustiques. Les beaux jours reviennent. Les chevaux commenecent à perdre leurs poils d'hiver.
Mouloud et Godofredo jouent à saute-mouton avec les entraves. Ils trouvent encore le moyen de faire une démonstration au galop à la vue d'un chien se promenant avec une brebis dans la gueule. Quoi de plus normal ? Sacré Mouloud, il ne cesse de faire le pitre, Il tient une forme olympique. Il nous faire rigoler sans arrêt en arborant un sourire chevalin lorsqu'on lui gratte le nez. Ses petites oreilles dressées et son gros postérieur lui confèrent un air comique. Alors qu'il s'excite à la vue de chaque congénaire ou de chaque camion qu'il croise, nous mettant alors les nerfs à bout, un gaucho le prend même pour un poulain. Il a douze ans, c'est la plus vieux de la bande. Le voyage c'est la jeunesse !
EL MANGRULLO
En arrivant à Las Rosas, Titin fait un bout de chemin avec nous sur son petit criollo. C'est le fondateur du
centre traditionaliste El Mangrullo. Il tient lui aussi à faire une interview à l'entrée de la ville. C'est de bonne guerre, ici la chaine marche toujours. Fernando du Tropero a prévenu le president du centre de notre venue. José nous attendait la veille. Après avoir bataillé avec lui, il laisse nos herbivores broutailler un peu de son foin. Angel vient à notre rescousse. Ce petit vieux vient de perdre toutes ses vaches laitières d'une maladie. Il tente de vendre son cheval pour pouvoir reconstituer son cheptel. Généreux et pourtant sans le sou, il nous offre tout de suite du foin. Nous insistons pour lui payer. Il ira dépenser ces quelques pesos à la loterie, jeu national adulé par les argentins.
Nous revenons tranquillement, gérant avec attention les kilomètres et les pauses. Nous ne nous arrêtons donc pas au Tropero mais cela nous permet de rencontrer la famille Ciccarelli qui vit à douze kilomètres d'Amstrong. Horacio est fier que nous aimions son pays. A noter qu'il est difficile de faire plus chauvin qu'un argentin. Autour d'un saucisson du terroir, nous parlons d'agriculture. Une fois de plus, il témoigne des traitements déraisonés que subissent les plantations. Désherbant avant de semer, puis fertilisant, puis pesticides, et ainsi de suite... Les paysans se rendent compte de la toxicité des produits, et pourtant ils continuent. A la clé, toujours plus d'argent promis. Ici personne ne ve
ut boire l'eau courante, encore moins celle des rivières. Plus d'un argentin nous a déjà fait part de son inquiétude sur la guerre de l'eau potable menaçant les années à venir, argumentant que leur pays en est une des réserves majeures.
Trois mois dans l'année, Horacio part avec les machines et sa roulotte pour suivre les moissons. Il vend ses services à plus de mille kilomètres de là. Il relègue alors toute la gestion de la ferme à son fils. "Lorsque mon père n'est plus là, tout se complique pour moi, plaisante Pablo, l'administratif n'est vraiment pas mon fort !"
Trois mois dans l'année, Horacio part avec les machines et sa roulotte pour suivre les moissons. Il vend ses services à plus de mille kilomètres de là. Il relègue alors toute la gestion de la ferme à son fils. "Lorsque mon père n'est plus là, tout se complique pour moi, plaisante Pablo, l'administratif n'est vraiment pas mon fort !"
Comme pour témoigner de cette violence de l'homme à l'encontre de mère nature, un petit opossum sonné par le choc d'une voiture, le souffle court, nous regarde sur le chemin avec des yeux remplis d'agonie. Anecdote surement sans importance ou sensiblerie exagérée, pour nous c'est l'image d'un regard qui en vaut d'autres.